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Le sens vital à l'entreprise dans un monde qui change: la géométrie variable de Maslow

Les années post-deuxième guerre mondiale ont été le théâtre de grandes réflexions et expérimentations en matière de psychologie et de sociologie. Au lendemain du conflit le plus sanglant de l’histoire humaine et face au constat des abominations dont l’humanité a pu se rendre coupable, les scientifiques se sont demandé comment expliquer cela et, d’une certaine façon, comment l’éviter au travers d’une compréhension des comportements basiques de l’individu.


C’est dans ce contexte que deux grands noms de la psychologie ont mené des recherches relatives aux besoins fondamentaux des individus.


Le premier d’entre eux est connu dans la culture générale et sert souvent de référence en matière de management: Abraham Maslow. Malsow est excessivement célèbre pour sa fameuse pyramide des besoins de l’être humain, organisés en couches allant du besoin de base physiologique jusqu’au besoin d’accomplissement personnel.


Il est également l’inventeur de la psychologie humaniste et autres théories liées plus ou moins directement à l’émergence de la psychologie positive dans les années 80-90.

Que retenir en résumé de la théorie de Maslow? La pyramide de Maslow vient tenter d’expliquer le fonctionnement de notre individualité en reconnaissant qu’il y existe des éléments incontournables, nécessaires à notre survie, qui imposent d’être satisfaits avant d’envisager toute évolution.


Ainsi, chaque être humain a besoin de manger, de boire, de dormir, de se reproduire. Ayant ceci, il est alors possible de rechercher la sécurité, bâtir un foyer, éventuellement s’organiser en société pour trouver protection et refuge.


Une fois ceci établi, nous pouvons dès lors, individuellement, chercher à satisfaire nos besoins plus “intellectuels” ou sociaux: appartenance, estime de soi et enfin accomplissement personnel.


Ce dernier pouvant s’apparenter à ce que l’on appelle désormais le fameux “développement personnel” qui vise à rendre chacun heureux.


Maslow partait d’un postulat logique: si notre survie est en jeu, nous ne sommes pas en mesure de penser à des idéaux ou des besoins plus “supérieurs” dans la mesure où notre pensée est focalisée sur notre survie primaire. En effet, cela semble parfaitement logique d’un point de vue purement utilitariste.


Cependant, Maslow apporte une contextualisation particulière à sa pyramide des besoins. Il reconnaît en effet, pur produit de son pays d’origine, les USA, qu’à défaut d’avoir les libertés fondamentales dont la liberté d’expression et la liberté de mouvement garanties, l’être humain ne saurait avoir la possibilité ou l’opportunité de satisfaire les besoins de base.

Nous ne discuterons pas cette prémisse, propre à l’époque et au contexte.

La pyramide de Maslow est un petit peu l’arlésienne des cours de management et, pendant longtemps, bien des organisations considéraient qu’il était de leur devoir de garantir les besoins de base des 2 premiers niveaux (physiologique et sécurité) afin d’accomplir leur mission vis-à-vis de leur personnel. Les autres niveaux de besoin étant à la charge de l’individu. Et que cela arrive au travail ou non, cela ne relevait pas du contrat de travail.


Et bien des études, idées, recettes miracles et autres mèmes ont été établis sur la base de cette fameuse pyramide qui, aujourd’hui, intègre le wifi comme besoin 0!


Mais la pyramide de Maslow a fait l’objet de bien des critiques comme beaucoup d’éléments de son approche générale. Cependant, bien plus que de regarder les éléments de ces critiques, c’est en se tournant vers un autre psychologue de la même époque que Maslow que l’on peut commencer à envisager cette pyramide sous un autre angle, via une géométrie différente.


Dans les années 1940, à Vienne, en Autriche, vivait avec sa famille un psychologue de confession juive. Il n’est pas besoin d’être historien pour deviner le sort qui a été réservé à cet homme et à toute sa famille.


Viktor Frankl, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a en effet été interné à Auschwitz avec ses parents, l’un des pires camps de concentration de l’ère Nazi.

Sa femme a elle été transférée dans un autre camp et ce n’est qu’à la libération qu’il appris sa disparition.

Tout au long de sa détention, Viktor Frankl a tâché de poursuivre ses travaux en psychologie et c’est au travers de cette terrible experience qu’il a entamé la consécration de sa théorie de la “logothérapie”, la guérison par le sens.


En effet, face à une telle barbarie, Viktor Frankl s’est rendu compte que ceux qui avaient réussi à survivre face à l’abominable réalité du génocide, n’étaient pas les plus résistants physiquement, ni même les plus optimistes. Bien au contraire! Les premiers, bien que de forte constitution, ne pouvaient résister à de tels mauvais traitements que la faim, la soif, la maladie, le froid… Cela ne leur donnait que quelques semaines ou mois de plus que les plus faibles.


Les optimistes quant à eux tombaient vite dans la désillusion voire la dépression, défaits de voir que leurs voeux pieu d’une fin rapide de cette enfer ne venait pas et que, en définitive, la seule vraie libération qui devenait envisageable était celle de la mort.


"Ceux qui arrivaient à donner du sens à l’insensé, à trouver une raison à leur internement, étaient ceux qui développaient la plus forte résistance mentale et était capable de s’ancrer dans la réalité et de l’utiliser à leurs fins et non de la subir."

Non, face à une telle barbarie, face à l’impensable inhumanité de cette situation, Viktor Frankl avait réussi à voir que ceux qui arrivaient à donner du sens à l’insensé, à trouver une raison à leur internement, étaient ceux qui développaient la plus forte résistance mentale et était capable de s’ancrer dans la réalité et de l’utiliser à leurs fins et non de la subir.

Etre capable de donner une raison à ce qui paraît déraisonner, à développer un sens et donc à orienter ses actions et sa mentalité dans ce sens précis, c’était focaliser ses forces et à sa résistance plus efficacement.


Cela pouvait être quelque chose de très simple comme le fait de se dire que se retrouver dans une telle situation alors qu’auparavant l’on était complètement focalisé sur le travail ou la réussite matérielle, permettait de donner du sens à l’enfermement: cela était le rappel d’une vie focalisée sur des éléments non importants qu’il convenait donc de réorienter si la chance était donner de recommencer, une fois libéré.


Cette théorie a été présentée par Viktor Frankl dans son très bel ouvrage “Man’s search for meaning” (La quête de sens de l’humanité).


Le Principe de la logothérapie et les recherches de Viktor Frankl poussent à nous interroger sur la pyramide de Maslow et son application dans nos organisations.


Si la logique utilitariste pousse à considérer que la faim et la soif sont plus importants que le sens que l’on donne à la vie, Viktor Frankl nous rappelle que parfois le sens est bien tout ce qu’il nous reste et qu’il nous aide à construire une résilience nécessaire en l’absence de satisfaction de nos besoins les plus élémentaires.


Dès lors, ce n’est plus sous la forme d’une pyramide figée et rigide, trop robuste pour répondre aux réalités de nos existences, mais bien sous la forme d’ondes oscillantes qu’il convient de représenter les besoins de l’être humain.

Ces oscillations se présentant à l’image d’un spectre de possibilités s’inspirant des systèmes quantiques où tout est vrai et faux à l’instant T jusqu’à ce que l’on décide quelle peut être notre vérité.


"Les ondes, flexibles et adaptables, anéifragiles de nature, nous permettent de nous rappeler que nos besoins ne fonctionnent pas toujours dans l’ordre"

Les ondes, flexibles et adaptables, anéifragiles de nature, nous permettent de nous rappeler que nos besoins ne fonctionnent pas toujours dans l’ordre et que le besoin de sens, proche du besoin d’accomplissement, peut parfois primer sur tout autre dans les cas de démotivation, de détresse, de crise, lorsqu’il ne nous est plus possible de trouver la satisfaction la plus basique dans nos besoins physiologiques.


Dès lors, dans nos organisations, cela revient à considérer qu’il est du devoir de chaque entité de donner voix à tous les besoins de l’individu en même temps et non pas de se contenter du minimum qui pourrait être formulé ainsi: “je vous donne un salaire pour manger et vous offrir un toit, de quoi vous plaignez-vous?”


Satisfaire des besoins matériels en espérant que cela garantira la satisfaction est une vision trop limitée. Car l’accomplissement personnel ne s’obtient pas par la satisfaction, mais bien par l’atteinte du bonheur. Et le bonheur ne survient que lorsque l’on accomplit des actions qui ont du sens, qui donne à notre vie une raison d’être.

Il est donc fondamental que chacun dans son travail soit capable de donner du sens à ce qu’il/elle fait et dès lors être prêt, dans les moments difficiles (soit dus à des problématiques individuelles, soit dus à des problématiques de l’organisation), de trouver la résilience nécessaire pour continuer à avancer et ne pas abandonner.


C’est ainsi que dans cette entreprise américaine fabricant du matériel médical au bord de la faillite, la PDG nouvellement nommée c’est empressée de reformuler le sens du travail de chaque employé. Face à la démotivation, le manque de perspective dû à une possible faillite, la peur du chômage… Elle a rappelé à chacun que l’entreprise ne se contentait pas de fabriquer du matériel médical, mais qu’elle contribuait à sauver des vies.

En redonnant de la clarté sur le sens de l’engagement de chacun, en donnant une raison humaine et profonde au travail de chacun, elle a pu recréer motivation et engagement individuel pour redonner de l’activité à son entreprise et éviter la faillite.

"Le sens est un puissant motivateur. Il a poussé l’humanité depuis des générations à avancer, à créer, à s’interroger, à envisager d’aller vers les étoiles"

Le sens est un puissant motivateur. Il a poussé l’humanité depuis des générations à avancer, à créer, à s’interroger, à envisager d’aller vers les étoiles. Cela a pu parfois avoir des conséquences dramatiques lorsque le sens était tourné vers l’égo ou l’exclusion. Mais lorsque le sens de nos actions sert l’ensemble, le collectif, que nous savons que nos actions aident, sauvent, assistent, grandissent elles deviennent aussi importantes et aussi concrètes que les aliments qui nous nourrissent ou l’eau qui étanche notre soif.


Alors au quotidien, chaque matin, posez-vous ces questions:

  • Pourquoi votre entreprise existe?

  • Quelle est sa mission?

  • Que tâchez-vous d’accomplir?

  • Pourquoi vous levez-vous le matin?

Ces questions vous aideront à donner du sens à ce que vous faites et, ainsi que nous l’a démontré Viktor Frankl, le portant dans sa chair et son âme, vous aidera à traverser les situations les plus difficiles, y compris celles qui annihilent toute foi en notre profonde humanité.

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